Abdeslam Chelghoum formel à propos du lait : «S’il y a pénurie, elle ne peut être qu’organisée»

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Le ministre de l’Agriculture, du Développement rural et de la Pêche, Abdesselam Chelghoum, a réfuté, ce jeudi à Aïn Defla, la thèse de l’existence d’une pénurie de lait, affirmant que dans le cas où il s’avère que cette pénurie existe, celle-ci ne pourrait qu’être «organisée».

«Je suis formel : dans les conditions actuelles, il ne peut pas y avoir de pénurie de lait et si celle-ci venait à se manifester, cela voudra dire qu’elle est organisée», a soutenu  A. Chelghoum, qui animait un point de presse à la fin de la visite de travail dans la wilaya d’Aïn Defla. Le ministre a affirmé que la quantité qui est aujourd’hui attribuée aux laiteries en matière de poudre de lait suffit «largement» pour couvrir les besoins de la population en sachets de lait, observant que la survenue d’une pénurie ne pourra qu’attester que le produit attribué n’a pas été utilisé à la fin à laquelle il était destinée initialement. «Les informations dont je dispose attestent que l’organisme chargé d’attribuer des quotas de poudre de lait aux laiteries, fussent elles publiques ou privées, ont pêché par une exagération dans l’utilisation de ce produit par rapport à la consommation de la population», a-t-il précisé. Il a fait remarquer que le ministère n’a fait que rationnaliser les attributions et procédé à la redistribution de la poudre de lait en fonction de paramètres rigoureusement définis, affirmant que son département ne restera pas les bras croisés dans le cas où la preuve d’une manœuvre venait à être démontrée. Selon le ministre, il est anormal que des parties profitent d’une situation pour se remplir les poches au détriment des citoyens, a-t-il martelé, rappelant que le sachet de lait est subventionné. Interrogé sur la production de la pomme de terre, il a fait état de la nécessité pour les professionnels de cette filière de s’organiser pour la protéger contre les spéculateurs, faisant état de «très bons résultats» obtenus lors des dernières années par cette filière. Selon Abdeslam Chelghoum, la peur de certains agriculteurs à voir les prix de la pomme de terre «s’effondrer» ne peut que les inciter à orienter l’excédent de leur production vers la transformation et l’exportation, faisant dans ce cadre état de nombreux opérateurs économiques versés dans ces créneaux.

«Il y a anguille sous roche», selon l’Onil

La perturbation de la distribution du lait en sachet n’est pas due à une réduction des quotas de poudre de lait, mais a été provoquée par certaines laiteries suite à une enquête ayant constaté des irrégularités, a indiqué le directeur général de l’Onil, Fathi Messar. La distribution du lait pasteurisé conditionné en sachet vendu au prix administré de 25 DA / litre connaît depuis quelques jours une perturbation aux niveaux des épiceries, notamment à Alger, que les commerçants attribuent à une diminution des quotas de poudre des laiteries. «Il n’ y a pas eu de réduction de quotas, mais de réajustement», affirme F. Messar citant le cas de la capitale où l’Office national interprofessionnel de lait (ONIL) avait opéré une réduction d’à peine 6%. Ce qui est insignifiant, selon lui, par rapport aux 2 220 tonnes distribuées mensuellement à travers les laiteries de la wilaya d’Alger. «Cette légère réduction ne peut pas créer une telle perturbation. C’est plutôt de la provocation», soutient F. Messar qui précise que ce ne sont pas toutes les laiteries qui sont concernées par cette ponction opérée suite aux résultats de l’enquête menée par une commission intersectorielle pour vérifier l’utilisation et la traçabilité de la poudre de lait subventionnée par l’Etat et vendue aux transformateurs pour produire du lait en sachet. «Certains producteurs essayent de mettre la pression pour que nous revenions sur nos décisions», estime-t-il. «Il y a des intérêts qui ont été touchés par cette enquête, ce qui a provoqué cette perturbation», affirme F. Messar en assurant que les quantités produites quotidiennement suffisent largement pour couvrir la demande, sachant que l’office dispose également d’un stock de poudre de lait lui permettant de couvrir la demande jusqu’en juin 2017. La commission intersectorielle, composée de représentants de l’ONIL, des directions de la concurrence et prix du secteur du commerce (DCP) et ceux des services agricoles au niveau des wilayas (DSA), a été installée en été dernier sur instruction du Premier ministre. L’enquête a touché plus de 100 laiteries privées et publiques et a révélé «beaucoup d’irrégularités» dans l’utilisation de la matière première subventionnée destinée à la production du LPC, selon le même responsable. Parmi les infractions constatées, ce responsable cite la fraude dans la quantité de poudre utilisée pour la production d’un litre de lait en sachet, qui est inférieure aux normes exigées. Selon les normes, 103 grammes de poudre de lait sont nécessaires pour un litre de lait, alors que certains transformateurs utilisent beaucoup moins que ça, révèle-t-il. Ainsi, ces transformateurs indélicats sont soupçonnés d’utiliser la différence dégagée de cette poudre de lait subventionnée pour la production de produits dérivés  (petit-lait, lait caillé…) puisque ces transformateurs ne mentionnent pas sur l’emballage, l’origine de la matière première utilisée. Sur les 190 laiteries opérant sur le marché, l’Onil est lié à travers des contrats à une centaine de transformateurs dont 15 unités publiques qu’il approvisionne en poudre de lait subventionnée destinée uniquement à la production du lait en sachet. Le kilogramme de poudre est cédé par cet office à 157 DA alors qu’il est acheté sur le marché international à plus de 300 DA/kg. Le montant de la subvention de lait a coûté à l’Etat 32 milliards de dinars en 2015 contre 47 milliards de dinars en 2014, selon F. Messar.

A.H.