Crise bancaire et turbulences boursières: Est-ce les prémices d’une crise mondiale ?

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Les Bourses ne sont toujours pas rassurées, après les turbulences bancaires, suite à la faillite de la Silicon Valley Bank aux États-Unis puis la tempête sur le Crédit Suisse en Europe, les gouvernants se montrant confiants, écartant le scénario de la crise financière de 2008.

Mais ces signaux d’alerte appellent à une refonte urgente du système monétaire international. Cela a eu un impact sur le cours des hydrocarbures, montrant la vulnérabilité des pays mono-exportateurs de matières premières, le cours du pétrole étant coté le 19 mars , 13h Gmt, à 72,47 dollars le Brent 12h GMT et 66, 93 dollars le Wit son plus bas niveau depuis près de 15 mois et pour le gaz sur le marché spot à moins de 50 dollar le mégawattheure après avoir culminé au début de la crise ukrainienne entre 250/300 dollars. De la crise de 1929 à celle de 2008 en passant celle de 2000, l’on retrouve beaucoup de ressemblances mais également beaucoup de différences. La capacité d’emprunt a remplacé la capacité d’épargne, le niveau d’endettement public/privé, étant passé en 2008 de 142.000 milliards de dollars, soit 243% du PIB à plus de 305. 000 milliards de dollars en 2022 soit 348 % du PIB. Cette présente contribution est le prolongement de mon intervention à la télévision internationale algérienne Alg24 New’s le 18 mars 2023 que vous pouvez écouter sur Youtube Les dysfonctionnements ont été concrétisés à travers la crise des prêts hypothécaires (subprimes ) en août 2007, crise qui s’est propagée à l’ensemble des Bourses mondiales avec des pertes estimées plus de 1500 milliards de dollars en mai 2008 par le FMI . C’est dans ce cadre que rentre le plan Bush de 700 milliards de dollars et également l’initiative européenne de 2300 milliards de dollars pour garantir les prêts interbancaires et les dépôts des épargnants : soit au total USA plus Europe plus de 3000 milliards de dollars. Du fait de l’interdépendance des économies, où aucun pays n’est autonome à 100%, cette crise s’est propagée à l’ensemble de la planète en cinq phases : premièrement, des banques ont fait des prêts immobiliers à des ménages insolvables ou présentant peu de garanties, à des taux d’intérêts élevés ; deuxièmement, diffusion des mauvaises créances dans le marché : pour évacuer les risques, les banques «titrisent» leurs créances, c’est-à-dire qu’elles découpent leur dette en produits financiers pour la revendre sur le marché.

La mondialisation a fait le reste, en diffusant ces titres à risque dans les portefeuilles d’investisseurs de toute la planète. Les fonds spéculatifs (hedge funds) ont été de gros acheteurs de Subprimes, souvent à crédit pour doper leurs rendements (jusqu’à 30% par an), et faire jouer l’effet de levier, les hedge funds empruntant jusqu’à 90% des sommes nécessaires, troisièmement, retournement du marché immobilier américain : vers fin 2005, les taux d’intérêts américains ont commencé à remonter alors que le marché financier s’essoufflait. Des milliers de ménages ont été incapables d’honorer leurs remboursements entraînant des pertes pour les banques et les investisseurs qui ont achetés les titres obligataires ont vu leur valeur s’effondrer, quatrièmement, crise de confiance : les banques se sont retrouvées dans une situation ou comme dans un jeu de poker, elles savent ce qu’elles ont dans leur bilan, mais pas ce qui se trouve dans celui des autres car ces mauvais crédits immobiliers ont été achetés un peu partout dans le monde et on ne sait quelle est la répartition du risque d’où une grave crise de confiance et depuis juillet 2007, cette situation fait chuter les Bourses et paralyse le marché interbancaire, les banques ne se prêtant plus ou très peu craignant que leurs homologues soient dans une ligne rouge ; cinquièmement, intervention des banques centrales : face à la paralysie du marché, les banque centrales sont intervenus massivement début août 2007 en injectant plusieurs centaines de milliards de dollars et d’euros de liquidités. Il s’en est suivi la réunion du G20 tenue le 15 novembre 2008 à Washington (USA) articulées autour de six recommandations :premièrement, de dégager une réponse commune à la crise financière ; deuxièmement, ouvrir les pistes d’une réforme en profondeur du système financier international ; troisièmement, prendre de nouvelles initiatives pour parer à d’éventuelles faillites bancaires et imposer aux banques de nouvelles normes comptables ; quatrièmement, des règles plus strictes sur les agences de notation, la titrisation et les parachutes dorés ; cinquièmement, accroître les dépenses publiques à travers des déficits budgétaires coordonnées, mais au profit des économies d’énergies pour le BTPH et des technologies propres pour le secteur automobile, remettant d’ailleurs en cause le pacte de stabilité européen (3% du PIB et les dépenses publiques sur /PIB moins de 60% ; sixièmement, le renforcement du système de régulation mais ne signifiant pas protectionnisme, les dépenses publiques étant destinées en majorité aux entreprises privées (politique keynésienne ciblée).

Qu’en est-il des propositions des BRICS pour refonder le système monétaire mondial au sein d’un monde multipolaire ?

 L’objectif stratégique est de repenser l’actuel système économique mondial qui favorise la bipolarisation Nord/Sud, la pauvreté préjudiciable à l’avenir de l’humanité, accéléré d’ailleurs par les gouvernances les plus discutables de la part de la plupart des dirigeants du Sud. Sur les 8 milliards d’âmes les 2/3 sont concentrées dans la zone Sud avec moins de 30% des richesses mondiales. Cette crise est donc liée à la financiarisation accrue en déconnexion avec la sphère réelle et la non symbiose de la dynamique économique et de la dynamique sociale oubliant que le travail est certes un prix mais créateur de valeur et vecteur de croissance à travers la consommation avec cette financiarisation croissante, nous avons deux types de détention d’actions. La détention directe (ceux qui les détiennent en propres) et la détention indirecte (ceux qui les détiennent par le biais d’un intermédiaire : organismes de gestion, sociétés d’assurances-vie, caisses de retraite, SICAV). Le fait nouveau réside dans la modification rapide et importante du type d’actions détenues par les ménages. La détention directe d’actions devient minoritaire, pendant que la détention indirecte s’est fort développée, où ce sont aujourd’hui les fonds de pension qui contrôle Wall Street gérant une fraction croissante de la capitalisation boursière des USA. Aussi, c’est sous l’impulsion des BRICS que le G20 a transformé le forum de stabilité financière en conseil de stabilité financière, les BRICS ayant soutenu le rapport sur les G-SIFI pour réduire les risques moraux des institutions financières systématiquement et globalement importants, les fonds de couverture, le shadow banking, les produits dérivés financiers des marchés offshore et les agences de notation ayant été ramenés pour la première fois sous la supervision. Mais c’est pour échapper à la dépendance de l’hégémonie du dollar que les BRICS ont décidé de créer une nouvelle banque de développement à travers la contribution des banques centrales des BRICS, une partie des réserves de devises étrangères pourrait être concentrée, de même, par l’émission d’emprunts sur le marché financier international, on pourrait concentrer des fonds pour servir à la construction des infrastructures dans les BRICS. Les avantages de la Nouvelle Banque de développement tournerait autour de trois axes directeurs : premièrement de mieux utiliser leurs devises étrangères afin de réduire le risque d’inflation et de rétrécissement de leur réserve de devises étrangères, et de mieux servir leurs économies réelles; deuxièmement, les bénéfices que la banque de développement pourraient tirer de l’investissement dans les économies réelles et dépasseraient largement ceux que les banques centrales pourraient tirer de l’achat de bons du Trésor des pays développés, et l’investissement dans les infrastructures pourrait stimuler la demande intérieure de ces pays, entraînant la croissance économique; troisièmement, la Nouvelle Banque de développement ferait la promotion de l’usage des monnaies nationales des pays membres, ce qui pourrait promouvoir le commerce intérieur et l’investissement réciproque de ces pays, réduisant ainsi la dépendance au dollar, bien qu’en baisse mais dominant dans les transactions internationales suivi de l’euro. En somme, la création de la Nouvelle Banque de développement traduit la volonté des BRICS d’une rénovation de leur gouvernance interne. D’une manière générale, l’action des BRICS a permis de soulever des problèmes jusque-là ignorés par les pays développés dans un esprit dépassé de domination, comme le déséquilibre de l’économie mondiale, qu’il ne peut y avoir de développement global sans le développent et de prospérité de la majorité des pays en voie de développement, proposant de créer un partenariat global fondé sur le dialogue productif par une compréhension mutuelle et une coordination des efforts entre le Nord le Sud afin de résoudre les nombreux défis de notre monde.

En conclusion, les USA avec un PIB en 2022 de 24 796 milliards de dollars pour une population relativement faible de 340 millions, suivi de la Chine , un PIB de 18 460 milliards de dollars pour une population de 1,41 milliard d’habitants, est la première puissance économique mondiale, idem pour la Chine, a un impact sur le reste du monde. Mais, contrairement aux crises de 2029 et 2008; certes, les difficultés de certaines banques internationales ont des impacts négatifs sur toute la chaîne des valeurs internationales , mais peuvent être circonscrites en 2023, sous réserve d’une nouvelle régulation mondiale du système financier, et si l’on s’attaque à l’essence de la crise et non aux apparences. Les actions des autorités américaines qui ont annoncé qu’elles allaient permettre aux clients de la SVB et de la Signature Bank de retirer l’intégralité de leurs dépôts et la banque centrale américaine (Fed) s’étant engagée à prêter les fonds nécessaires pour que les autres banques qui en auraient besoin puissent honorer les demandes de retraits de leurs clients, la décision du 17 mars de l’OCDE qui prévoit un retour à la normale, de relever le taux de croissance de la zone euro et l’optimisme de la BCE concernant les taux d’intérêts, permettront-elles de redonner confiance et donc de juguler la crise ?. Cependant, il faut avoir une vision globale de l’avenir de l’économie mondiale qui concerne certes la refonte du système financier international, mais également résoudre les impacts négatifs du réchauffement climatique, d’inflation qui a des répercussions sur le pouvoir d’achat, accentuant les tensions sociales, la crise énergétique, la crise de l’eau et donc la crise alimentaire. Les tensions géostratégiques qui touchent tous les continents, notamment les tensions Ukraine/Russie, USA/ Chine, l’adhésion de nombreux pays aux BRICS lors de la prochaine réunion en Afrique du Sud, et le rétablissement des relations diplomatiques entre l’Arabie saoudite et l’Iran préfigurent d’importantes mutations dans les relations internationales, militaires, sécuritaires, politiques, culturelles et économiques.

A. M.

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