Des stratégies d’adaptation pour l’Algérie face aux tensions géostratégiques mondiales

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Avec les tensions en Ukraine/Russie/Occident qui ne serait qu’un épiphénomène face tensions entre les deux plus grandes puissances économiques mondiales en Asie à savoir les USA et la Chine le réchauffement climatique, et les bouleversements énergétiques et technologiques, le monde ne sera plus jamais comme avant, avec des impacts sur le devenir de la croissance de l’économie mondiale.

Concernant la stabilité régionale en Afrique, cette brève contribution est la synthèse de ma contribution, en tant qu’expert international indépendant, sur le thème, comment se positionne l’Algérie en Afrique, face à l’Union européenne et au sein de la mondialisation, suite à deux invitations : la première de la Konrad Adenauer Stiftung qui organise à Nouakchott, du 19 au 22 février 2023 un débat qui portera sur le rôle économique des acteurs externes dans l’espace Maghreb-Sahel, en particulier la Chine, la Russie, la Turquie et les Emirats arabes unis auxquels assisteront de nombreuses délégations et experts internationaux en économie et en défense/sécurité. La seconde qui se tiendra à Paris) le mercredi 22 mars 2023 avec le Groupe d’études et de réflexion sur l’Algérie contemporaine (G.E.R.A.C.) où interviendront également Pierre Vermeren, écrivain, professeur des Universités, auteur de Histoire de l’Algérie contemporaine (Nouveau Monde Eds). Amiral Edouard Guillaud, ancien chef d’état-major des armées. Car, dans toute analyse opérationnelle, on peut isoler les facteurs économiques et sociaux, sur tout le problème énergétique (notre interview Radio Algérie Internationale 05/02/2023) des enjeux géostratégiques.

1- Les tensions au Sahel, facteur d’instabilité régionale

Les relations entre les deux rives du Sahara et les dynamiques de la conflictualité saharienne actuelle interpellent la communauté internationale. Nous assistons dans la région à de profondes mutations de la géopolitique saharienne après l’effondrement du régime libyen, avec des conséquences pour la région. De plus en plus nombreux, des migrants subsahariens s’installent désormais dans les pays du Maghreb avec l’intensification de la contrebande. Bien avant et surtout depuis la chute du régime de Kadhafi, le Sahel est l’un de ces espaces échappant à toute autorité centrale, où se sont installés groupes armés et contrebandiers. Kadhafi disparu, des centaines de milliers d’armes, dont 15 000 missiles sol-air qui étaient dans les entrepôts de l’armée libyenne, ont équipé les rebelles au fur et à mesure de leur avancée et dont une partie a été accaparée par différents groupes qui opèrent au Sahel. Dans ce contexte, il s’agit de mettre l’accent sur l’obligation d’appliquer une stratégie interrégionale qui associe l’ensemble des pays de la zone en plus des partenaires européens et internationaux, du fait que la région est devenue un espace ouvert pour divers mouvements terroristes et autres groupes qui prospèrent via le trafic d’armes ou de drogue, menaçant la sécurité régionale surtout récemment avec la venue de terroristes d’Irak et de Syrie. D’où l’urgence d’une coopération internationale dans la lutte contre la criminalité transnationale, nécessitant une amélioration des bases de données afin de lutter efficacement contre le crime transfrontalier et le terrorisme. Il s’agit donc de lever les contraintes, du fait que la corruptibilité générale des institutions pèse lourdement sur les systèmes chargés de l’application des lois et la justice pénale en général, qui ont des difficultés à s’adapter aux nouveaux défis posés par la sophistication des réseaux du crime organisé, les cyberattaques qui peuvent déstabiliser toute une Nation. À terme, la stratégie vise à attirer graduellement les utilisateurs du système informel vers le réseau formel et isoler les éléments criminels pour mieux les cibler tout en diminuant les dommages collatéraux pour les utilisateurs légitimes.

Pour l’Algérie, les tensions dans la région – notamment pour la protection de ses frontières, la situation en Libye, au Mali et accessoirement les actions terroristes à sa frontière en Tunisie – ont imposé à l’Algérie des dépenses supplémentaires s’expliquant en partie par l’insécurité régionale. La sécurité de l’Algérie est posée à ses frontières où la frontière algéro-malienne est de 1376 km, la frontière entre l’Algérie et la Libye est de 982 km, la frontière algéro-nigérienne est de 956 km, la frontière algéro-tunisienne est de 965 km soit au total 4279 km à surveiller. Le problème est plus grave pour les frontières conjointes avec le Mali et la Libye, ne devant pas oublier que les terroristes étaient venus depuis cette région lors de l’attaque terroriste de Tiguentourine. Face à ces tensions, dans une récente déclaration, reprise par l’APS en date du 1er février 2023, par Mme Elizabeth Moore Aubin, ambassadrice des Etats-Unis d’Amérique en Algérie, outre la consolidation des relations économiques, l’Algérie est une puissance régionale, les deux pays travaillant en étroite collaboration, étant extrêmement proactifs et pragmatiques dans leurs relations avec le voisinage, pour essayer de promouvoir la stabilité et la paix régionale. C’est toujours dans le cadre du souci de la stabilité régionale que l’Algérie, ayant pour fondement sa philosophie diplomatique et entretient, dans le cadre du respect mutuel, d’excellentes relations avec tous les pays comme en témoignent les prochaines visites officielles du président de la République courant mai 2023 en France, qui a été précédé par celle du chef d’état-major de l’ANP, fin janvier 2023, et en Russie également courant mai 2023 entretenant d’excellentes relations également avec la Chine, les USA, la majorité des pays européens, comme en témoigne la récente visite de la première ministre de l’Italie et du haut conseiller de la Défense pour la région MENA, du ministère de la Défense britannique. Comme viennent de le souligner en janvier 2023, la Première ministre de l’Italie et la secrétaire d’État adjointe américaine en charge des organisations internationales, Michele Sison lors leurs visites à Alger, l’Algérie est un pays leader dans le règlement des conflits au niveau régional, par son rôle central dans la consécration de la stabilité, particulièrement dans la région du Sahel et un acteur déterminant de la sécurité énergétique

2-Le Sahel via l’Afrique, enjeux économiques des grandes puissances

Dans une note du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest de l’OCDE, il est mis en relief que l’arc sahélien, sans compter le reste du continent, est riche en ressources, sel, or, pétrole, gaz, fer, phosphate, cuivre, étain et uranium autant de richesses nourrissant les convoitises de puissances. Ce qui explique les sommets réguliers, USA/Afrique, Chine/ Afrique, Europe/Afrique, Japon/Afrique Turquie/Afrique ? Selon les prévisions continentales de la Banque mondiale, le PIB de l’Afrique devrait passer de 2980 milliards de dollars en 2022 à 4288 en 2027 soit une hausse de 43,89%, ces projections de croissance du FMI pour l’Afrique dépendent d’une série d’hypothèses qui peuvent se réaliser ou pas, bonne gouvernance dont la lutte contre la corruption, réformes, sous intégrations régionales, et stabilité politique. C’est une croissance modeste car le commerce mondial a augmenté de 25% en rythme annuel en 2021 pour atteindre un record de 28.500 milliards de dollars et même si les exportations africaines de biens et services ont enregistré une croissance particulièrement rapide au cours des dix dernières années, elles représentent à peine 3 % du commerce mondial, loin de ses importantes potentialités, l’Afrique étant caractérisée par la faiblesse de son intégration qui est de l’ordre de 11/12 % alors que le flux des échanges entre pays européens est de plus de 60 %. Il est utopique pour l’instant de parler d’intégration de tout le continent Afrique, mais de sous-intégrations régionales, l’important étant de dynamiser la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) afin de stimuler la croissance, de réduire la pauvreté et d’élargir l’inclusion économique dans les pays concernés. La mise en œuvre de la zone de libre-échange permettrait selon un rapport de l’OUA de sortir 30 millions d’Africains de l’extrême pauvreté, d’augmenter les revenus de près de 68 millions d’autres personnes qui vivent avec moins de 5,50 dollars par jour et d’augmenter les revenus de l’Afrique de 450 milliards de dollars d’ici à 2035. Et c’est dans ce cadre que rentrent les rivalités entre grandes puissances Usa, Chine, Europe, certains pays émergents sans oublier le rôle de la Russie concernant surtout l’aspect militaire, où les échanges entre les USA et l’Afriques ont passées de 142 milliards de dollars en 2008 à seulement 64 en 2021 largement distancé par la Chine qui selon l’agence chinoise des douanes ont augmenté de 35,3% au cours de l’année 2021, atteignant un montant record de 254,3 milliards de dollars, en n’oubliant pas les échanges avec le monde arabe en 2021 de 330 milliards de dollars, extrapolé entre 2023/2025 à 500 milliards de dollars. Des pays font une percée en Afrique comme la Turquie où le volume des échanges devrait atteindre 45 milliards de dollars en 2022. Malgré le poids déclinant, l’Europe selon les données du 1er janvier 2019 (avant l’épidémie du coronavirus) atteignait 151 milliards d’euros d’exportations et 152 milliards d’importations. Afin de contrer la Chine et la Russie sur le plan économique, lors de la dernière conférence, les USA ont annoncé une première enveloppe de 55 milliards de dollars étalée sur trois ans pour l’Afrique dans un grand nombre de secteurs. La priorité est donnée aux industries spécifiques sur la base de certains critères tels que l’avantage comparatif du secteur privé américain dans des domaines comme l’industrie pharmaceutique, la santé, l’éducation, l’agriculture, les technologies numériques et l’enseignement supérieur, dans des minéraux essentiels pour l’énergie propre comme le raffinage et le traitement du lithium, du cobalt et du nickel, tout en renforçant les garanties sociales et environnementales. En préconisant l’adhésion de l’Afrique au G20, ainsi que dans d’autres institutions internationales, la récente réunion USA/Afrique rentre dans la stratégie de contrecarrer la stratégie de la route de la soie initiée par la Chine où au sein des BRICS la Chine entend être le leader, voulant attirer certains pays africains et arabes. Récemment lors de la rencontre en Arabie saoudite le ministre chinois des Affaires étrangères a annoncé l’idée des «BRICS Plus», un cadre qui résume cette intention d’ouvrir l’organisation à de nouveaux membres pour un monde multipolaire, la prochaine réunion étant prévu en Afrique du Sud, qui assurera la présidence, selon l’AFP et Reuters courant aout 2023, où seront étudiés plusieurs nouvelles candidatures dont celle de l’Algérie. Actuellement les BRICS avec la dominance de la Chine représentent en 2022, environ 25% du PIB mondial et plus de 45% de la population mondiale, sur 8 milliards d’habitants au 1er janvier 2023, dont des pays qui possèdent l’arme nucléaire la Russie, la Chine, l’Inde et le Pakistan. La crise actuelle pourrait ralentir le poids des BRICS et selon des experts chinois, ralentir le projet de la route de la Soie et sa croissance, expliquant l’inquiétude des dirigeants chinois et indiens vis-à-vis du conflit en Ukraine.

En conclusion, la crise actuelle en Ukraine devrait conduire à de profondes reconfigurations socioéconomiques, technologiques mais également sécuritaires. Le monde étant à l’orée d’une période d’incertitude croissante, aux racines ancrées dans la polarisation des sociétés. Privilégiant en premier lieu ses intérêts stratégiques propres, optant pour la neutralité dans les conflits régionaux, l’Algérie agit en fonction d’un certain nombre de principes et à partir d’une volonté avérée de contribuer à la promotion de la sécurité et de la stabilité dans la région. C’est que les défis nouveaux sont une autre source de menace, concernant les ressources hydriques, la pauvreté, les épidémies, l’environnement, étant d’ordre local, régional et global. La lutte contre le terrorisme implique de mettre fin à cette inégalité tant planétaire qu’au sein des États, où une minorité accapare une fraction croissante du revenu national, enfantant la misère, renvoyant à la moralité de ceux qui dirigent la cité. Cela implique de s’attaquer à l’essence (un co-développement) et non aux apparences car le fossé entre les riches et les pauvres se creuse davantage, avec un écart des revenus qui renforce les inégalités en matière de distribution des richesses, d’éducation et de santé.

  1. M.