Face aux mutations géostratégiques, sécuritaires, technologiques et économiques: Quelle stratégie et quelle  gouvernance pour l’Algérie?

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1- Les actuels enjeux géostratégiques mondiaux  sur le plan sécuritaire et  politique

Le monde traverse une turbulence inégale comme en témoigne l’accroissement des budgets militaires  à travers le monde. Selon un rapport de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri)  tirés par la guerre en Ukraine, qui pousse les budgets européens vers le haut, mais aussi par les tensions non résolues et croissantes en Asie de l’Est entre la Chine, d’un côté, et, de l’autre, les Etats-Unis et leurs alliés asiatiques, selon  l’AFP  les dépenses  militaires ont atteint en 2022, tous continents confondus   2240 milliards de dollars soit 2,2% du PIB mondial. Les Etats-Unis ont représenté 39 % des dépenses mondiales en 2022, la Chine, (13 %), soit plus de la moitié des investissements militaires du globe, la  Russie (3,9 %), Inde (3,6 %) et Arabie saoudite (3,3 %),  l’Europe 480 milliards de dollars, le Royaume-Uni étant à la sixième place (3,1 % ), devant l’Allemagne (2,5 %) et la France (2,4 %) − des chiffres qui incluent les donations à l’Ukraine, qui a concentré 31% des importations d’armement en Europe. Toujours, selon cet institut,  entre  2018 et 2022, le poids respectif des trois gros exportateurs – Etats-Unis, Russie et France – s’est considérablement modifié par rapport à la période 2013-2017,  les Américains détenant fin 2022,  40 %, la Russie passant de 22 % à 16 %, et la France de 7,1 % à 11 %, loin devant la Chine (5 %) et l’Allemagne (4 %). Face à ces mutations, contrairement à certaines supputions malsaines, la stratégie de l’ANP à travers sa modernisation  est l’acquisition du savoir scientifique et technologique  et  son adaptation aux nouvelles menaces afin  de  préserver l’unité de la Nation, par la défense du territoire, ayant une position neutre vis-à-vis des conflits privilégiant la coopération internationale. C’est dans ce cadre que le chef d’état-major de l’ANP, le général d’armée Saïd Chanegriha, mettant en exergue la valorisation du savoir à travers l’innovation technologique,  lors de la présidence de  la 16e session du Conseil d’orientation  de l’Ecole supérieure de guerre le 25 avril 2023,  a souligné  que les guerres modernes que connaît le monde d’aujourd’hui sont totalement différentes des guerres précédentes, où  nous assistons à des guerres qui évoluent à une vitesse effrénée, faisant de celui qui ne peut en suivre le rythme, ou s’y adapter sur les plans raisonnement, planification et virtuosité combative, une proie facile. Aussi  la modernisation de l’ANP et des ses services de sécurité est une exigence,  comme dans les pays cités étant une question de sécurité nationale,  son budget  devant  rentrer dans le  cadre d’une loi de programmation sur cinq années, y compris la Gendarmerie nationale et la DGSN comme je  l’avais recommandé au moment fort du terrorisme qui frappait l’Algérie, en 1997 à Alger (voir audit que j’ai  eu l’honneur de diriger 1997- avec, face aux enjeux  géostratégiques mondiaux, le rôle stratégique de l’Algérie comme facteur de stabilisation des espaces méditerranéens et africains où pour la région sahélienne,  nous avons  assisté  à des mutations de la géopolitique après l’effondrement du régime libyen où, des centaines de milliers, dont 15 000 missiles sol-air étaient dans les entrepôts de l’armée libyenne, qui  ont été accaparés  par différents groupes qui opèrent au Sahel, puis par d’autres groupes terroristes venus d’autres régions : Avec les ingérences  de  puissances  étrangères, en Afrique enjeu du XXIe siècle,  notamment   en Libye, au Mali, et récemment les tensions au  Soudan du Nord (46 millions d’habitants), ayant des frontières avec l’Érythrée à l’Est, par l’Éthiopie au Sud-Est, par le Soudan du Sud au Sud, par la République centrafricaine au Sud-Ouest, par le Tchad à l’Ouest, par la Libye au Nord-Ouest et par l’Égypte au NEord. Les impacts sont sécuritaires,  facteur de déstabilisation,  favorisant  le terrorisme  et les flux migratoires, l’Algérie  étant interpellée pour sa sécurité. C’est que l’espace subsaharien est caractérisé par l’ancienneté du système caravanier transsaharien avec les dangers de la pénétration de l’islamisme radical à ne pas confondre avec l’islam religion de tolérance à l’instar du judaïsme ou du christianisme, devant éviter  de verser dans la xénophobie qui alimente le discours des extrêmes.

C’est dans cet objectif que se sont établis des dialogues stratégiques, notamment entre les USA/Algérie et Europe/Algérie sans compter la coopération sécuritaire Algérie/Russie et Algérie/Chine dont l’Algérie doit jouer un rôle essentiel, afin de renforcer leurs relations futures pour lutter contre le terrorisme international. Il s’agit donc de lever les contraintes du fait que la corruptibilité générale des institutions, pèsent lourdement sur les systèmes chargés de l’application des lois et la justice pénale en général qui ont des difficultés à s’adapter aux nouveaux défis posés par la sophistication des réseaux du crime organisé. La collaboration inter-juridictionnelle est ralentie par l’hétérogénéité des systèmes juridiques. De plus, la porosité des frontières aussi bien que la coordination entre un grand nombre d’agences chargées de la sécurité aux frontières posent des problèmes où la stratégie vise à attirer graduellement les utilisateurs du système informel vers le réseau formel et ainsi isoler les éléments criminels pour mieux les cibler tout en diminuant les dommages collatéraux pour les utilisateurs légitimes.

2 – Les enjeux du nouveau système d’information et les impacts des nouvelles technologies sur la gestion des institutions et les entreprises

Mais existe un autre enjeu où le nouveau système d’information  à travers les nouvelles  ont un impact sur la reconfiguration des relations internationales où les cyberattaques peuvent déstabiliser toute une Nation. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), un ensemble de technologies utilisées pour traiter, modifier et échanger de l’information, plus spécifiquement des données numérisées qui regroupent les innovations réalisées en matière de volume de stockage et de rapidité du traitement de l’information ainsi que son transport grâce au numérique et aux nouveaux moyens de télécommunications, ont des implications au niveau de la gouvernance politique, la gestion des entreprises et des administrations et un impact également sur notre nouveau mode de vie renvoyant au savoir et à l’innovation permanente.  Politiques, entrepreneurs, citoyens, nous vivons tous aujourd’hui dans une société de la communication électronique, plurielle et immédiate qui nous contraint à prendre des décisions en temps réel. La maîtrise du temps étant le défi principal du siècle, en ce XXIe, engageant la sécurité nationale, toute inadaptation à ces mutations isolerait encore plus le pays.

Ainsi, le monde est devenu une grande maison de verre, un acquis contre les régimes totalitaires dans la mesure où l’information n’est plus le quatrième pouvoir mais le pouvoir lui-même. L’infrastructure de l’Internet se répand aujourd’hui autour du monde pour créer un large réseau mondial et ce, grâce à l’informatique qui permet aujourd’hui de numériser les informations et de gérer de nouveaux systèmes. C’est que les nouveaux moyens de télécommunication facilitent l’échange et la diffusion de la connaissance. Ces nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) changent donc profondément la vie au quotidien des citoyens, le fonctionnement des entreprises, de l’Etat. Tout cela entraîne de nouvelles représentations mentales et sociales. Cela est plus patent au niveau multimédia (TV, vidéo à la demande, GPS, musique…) sur les téléphones portables. Sur le plan macroéconomique, les nouveaux processus mis en place grâce aux TIC ont des conséquences sur l’analyse de la valeur des produits et services, que l’on effectuera davantage sur le cycle de vie, lequel a tendance à se raccourcir et influe sur les gains de productivité et la croissance liée à l’introduction des TIC. Les TIC influencent également la recherche scientifique et technique et permettent indirectement de réaliser de nouvelles découvertes qui ont à nouveau un effet macroéconomique. L’avènement de l’Internet et le développement formidable qu’il connaît depuis quelques années ont pratiquement mis en demeure l’entreprise – de quelque importance qu’elle soit – de s’adapter et d’en faire l’usage le plus judicieux et le plus productif. Les NTIC permettent de mettre en place depuis quelques années des modèles d’organisation du travail dont les principales caractéristiques sont la décentralisation et la flexibilité. Le phénomène de délocalisation de l’emploi tient largement de la recherche des gains de productivité et des possibilités offertes par les NTIC aux entreprises, particulièrement à celles qui sont d’une grande envergure : télé-saisie, télétraitement et télémaintenance informatique sont maintenant une réalité de tous les jours. Les pertes mondiales imputables aux attaques informatiques, bien que très difficiles à évaluer du fait de l’ampleur de l’économie du piratage, ont atteint les 1 000 milliards de dollars en 2020, soit près de 1% du PIB mondial et uniquement pour l’Europe le montant des préjudices causés par des cyberattaques a atteint en 2020 un coût global de 750 milliards d’euros par an. Ces pertes proviennent du vol d’actifs monétaires et de propriété intellectuelle, mais également de pertes cachées, souvent omises. Les motivations des pirates informatiques ont évolué : du piratage de logiciels de la part d’amateurs dont la motivation essentielle consistait à voler pour leur usage personnel, nous sommes passés à un piratage «professionnel» d’ordre économique (détournement d’argent) et piratage industriel, proche de l’espionnage. Les interceptions de communications ont aussi évolué. Des écoutes téléphoniques nous sommes passés aux interceptions des messages électroniques. Lorsqu’un mail est envoyé de façon habituelle, il n’est pas crypté et peut transiter par une dizaine de proxys qui jalonnent le parcours vers sa destination. Or, ces derniers conservent, pour des raisons techniques mais aussi légales, une copie des messages reçus. Les informations contenues dans le corps du message et dans les fichiers joints peuvent donc être lues par autant de responsables de proxies que nécessite le trajet. Les vols de documents ne se produisent pas seulement en accédant, à distance ou non, à un ordinateur ou à un serveur, mais également de la façon la plus inattendue par les photocopieuses qui stockent les informations avant de les imprimer, les experts en informatique pouvant donc ensuite très facilement récupérer ces informations, d’autant plus que la plupart d’entre elles sont généralement connectées à un réseau, soit via un PC (imprimante partagée), soit grâce à une adresse IP propre. Compte tenu de cette situation, la Direction de la cybercriminalité d’Interpol a élaboré en août 2020 un rapport d’évaluation mondial portant sur la cybercriminalité liée à la Covid-19 en s’appuyant sur l’accès aux données de 194 pays membres et de partenaires privés afin de brosser un tableau complet de la cybercriminalité liée à la pandémie de Covid-19 : escroqueries en ligne et hameçonnage pour 59% ; logiciels malveillants visant à désorganiser (rançongiciels et attaques par déni de service distribué) pour 36% ; logiciels malveillants visant à obtenir des données, domaines malveillants pour 21%, désinformations et fausses informations, de plus en plus nombreuses, se répandent rapidement dans le public pour 14%.

Récemment, les révélations d’espionnage du programme NS-Pegasus posent la problématique de la sécurité nationale et de la maîtrise des nouvelles technologies. Mais si les experts militaires s’accordent sur le fait que l’espionnage a existé depuis que le monde est monde, aujourd’hui, avec des méthodes de plus en plus sophistiquées, avec l’avènement des cyberattaques, il appartient à chaque nation d’utiliser des moyens plus sophistiqués pour se protéger. Le programme phare de NSO nommé  Pegasus, un logiciel d’origine israélienne surnommé «cheval de Troie», a permis de fouiller dans les données (calendriers, photos, contacts, messages, appels enregistrés, coordonnées GPS…) des smartphones, iPhone comme Android, infectés, mais aussi de contrôler à distance la caméra et les micros intégrés à l’appareil.

Cela donne la possibilité d’écouter des conversations dans une pièce alors que le téléphone apparaît inactif, ce logiciel étant à sa troisième version. Cependant, les nouvelles technologies ne concernent pas seulement les écoutes. Les drones sans pilote commencent à remplacer l’aviation militaire classique, pouvant cibler avec précision tout adversaire à partir de centres informatiques sophistiqués à des milliers de kilomètres. Les satellites remplissant l’atmosphère permettent d’espionner tout pays, de détecter le mouvement des troupes et la diffusion d’images de toute la planète. Le contrôle de l’information grâce à l’informatisation permet le développement de sites d’information, impliquant une adaptation des journaux papier, une nouvelle organisation des entreprises et administrations en réseaux, loin de l’organisation hiérarchique dépassée, l’interconnexion bancaire et éclectique pouvant bloquer tout pays dans ses transactions financières et la panne des réseaux pouvant plonger tout pays dans les ténèbres. L’utilisation de Facebook et de Twitter par la diffusion d’informations parfois non fondées fait que, faute de transparence, la rumeur dévastatrice supplante l’information officielle déficiente.

C’est dans ce cadre que s’impose la maîtrise de l’intelligence économique, dont la gestion stratégique est devenue pour une nation et l’entreprise l’un des moteurs essentiels de sa performance globale et de sa sécurité. L’intelligence économique intègre deux dimensions supplémentaires par rapport à la veille : la prise de décision et la connaissance de l’information. Pour faire de l’intelligence économique un véritable avantage concurrentiel, il est indispensable de l’intégrer aux fonctions de l’administration et de l’entreprise. Une nation ou une entreprise sera meilleure que ses concurrents si elle possède, avant les autres, les bonnes informations au bon moment, qu’il s’agisse de connaissance des marchés, d’informations juridiques, technologiques, normatives ou autres, créant une asymétrie d’informations à son avantage. D’où l’appui aux entreprises pour l’accès aux volumes importants d’informations sur le commerce international détenu par les départements et agences ministériels, les services de renseignements et de contre-espionnage, mettant en place un service d’information économique au profit des entreprises engagées dans le commerce extérieur.

A suivre…

A. M.