Face aux tensions géostratégiques: La nécessaire cohésion sociale facteur de l’unité nationale pour faire face aux terrorismes et les trafics aux frontières

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Le numéro de la revue El Djeich  de mai 2023  consacre un dossier sur «la lutte contre l’extrémisme et le terrorisme» qui comprometent la sécurité et le développement.

Lors du 16e sommet extraordinaire de l’Union africaine à Malabo en Guinée équatoriale,  en matière de prévention et de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent, le président de la République a exposé la position de  l’Algérie sur l’évolution de la menace terroriste sur le continent et les réponses qui doivent être apportées aux niveaux régional et international  et le chef d’état-major de l’ANP, dans son allocution  en date du 8 mai 2023, lié au terrorisme  a mis en garde contre les effets de la drogue qui risquent de déstabiliser le pays. Comme mis en relief dans deux de mes interventions  l’une en octobre  2019 à l’invitation de l’Institut militaire de documentation, d’évaluation et de prospective du ministère de la Défense nationale (IMDEP) en  octobre 2019 sur le trafic aux frontières  et la seconde  à l’ouverture du séminaire organisé par le haut commandement de la Gendarmerie nationale (Cercle des Armées) en  février  2022 sur le thème:  Les différentes formes  de la criminalité économique et financière et comment y faire face,  dans le contexte d’un monde de plus en plus globalisé, qui facilite la circulation des personnes et des substances, les groupes de criminalité organisée ont prospéré, posant de nombreux défis, où les groupes criminels utilisent souvent des entreprises commerciales licites pour dissimuler leurs activités illicites, par exemple en plaçant de la drogue dans des cargaisons, ces organisations criminelles menaçant le bien-être économique et social de tous les citoyens.

1 – Aux  impacts de l’épidémie du coronavirus, des tensions à travers le monde, le réchauffement climatique et les enjeux aux frontières de l’Algérie préfigurent d’importantes reconfigurations géopolitiques et géoéconomiques mondiales entre 2023/2030, rendant urgentes des stratégies d’adaptation. C’est que la région sahélienne connaît d’importants trafics qui alimentent le terrorisme facteur de déstabilisation. Face à cette situation complexe et en perpétuelle mutation, la stratégie diplomatique et militaire de l’Algérie est guidée par des principes fondamentaux : la mise en place d’un dispositif de sécurité aux frontières et la restructuration des forces armées et de sécurité et l’amorce de processus bilatéraux de coopération avec les pays voisins, le développement d’un processus multilatéral à travers l’initiative des pays de Champ. L’Algérie peut décider l’envoi, des cas exceptionnels de troupes à l’extérieur pour défendre l’intégrité territoriale,  prévus dans la Constitution adoptée le 1er novembre 2020. Mais cette décision est subordonnée à l’approbation à la majorité des deux tiers du Parlement, tout en déterminant le cadre de participation des forces militaires algériennes en dehors les frontières selon  l’article 91, dans le cadre du respect de la souveraineté des Etats, «l’Algérie peut, dans le cadre les Nations unies, de l’Union africaine et de le Ligue des Etats arabes participer au maintien de la paix dans la région dans le cadre d’accords bilatéraux de pays concernés». La justification de cet amendement est que cela est pleinement conforme à la politique étrangère de l’Algérie qui repose sur les principes «fermes et immuables», à savoir «le rejet du recours à la guerre et prôner la paix, la non-ingérence dans les affaires internes des Etats ainsi que la résolution des conflits et des différends internationaux par les voies pacifiques, conformément à la légalité internationale représentée par les instances internationales et régionales». Car dans le cadre de ces turbulences régionales, l’Algérie fournit des efforts malgré la situation budgétaire difficile à déployer une véritable task force pour sécuriser ses frontières afin de faire face à l’instabilité chronique de l’autre côté des frontières et dont les événements récents confirment la continuelle aggravation.

2 – C’est dans ce cadre que s’inscrit l’action de l’Algérie pour faire faire face aux trafics à ses frontières dont je recense sept facteurs. 

a) Premièrement, nous avons le trafic de marchandises. Pour l’Algérie, existent des trafics de différentes marchandises subventionnées comme le lait et la farine achetés en devises fortes, le trafic de carburant représenterait un manque à gagner de plusieurs centaines de millions de dollars pour le Trésor public, c’est énorme. Cela est lié globalement à la politique des subventions généralisées sans ciblage et à la distorsion des taux de change par rapport aux pays voisins.

b) Deuxièmement, nous avons le trafic d’armes. Le marché «noir» des armes et de leurs munitions, issu nécessairement du marché «blanc» puisque, rappelons-le, chaque arme est fabriquée dans une usine légale, une thématique qui permet de comprendre les volontés de puissance des divers acteurs géopolitiques à travers le monde. Tandis que le trafic de drogues est réprimé internationalement, le trafic d’armes est réglé par les Etats qui en font leurs bénéfices. La vente d’armes s’effectue régulièrement entre plusieurs partenaires privés et publics.

c) Troisièmement, nous avons le trafic de drogue.

La montée en puissance du trafic de drogue au niveau de la région sahélienne a des implications sur toute l’Afrique du Nord où nous pouvons identifier les acteurs avec des implications géostratégiques où les narcotrafiquants créent de nouveaux marchés nationaux et régionaux pour acheminer leurs produits. Afin de sécuriser le transit de leurs marchandises, ces narcotrafiquants recourent à la protection que peuvent apporter, par leur parfaite connaissance du terrain, les groupes terroristes et les différentes dissidences, concourant ainsi à leur financement.

d) Quatrièmement, nous avons la traite des êtres humains. C’est une activité criminelle internationale dans laquelle des hommes, des femmes et des enfants sont soumis à l’exploitation sexuelle ou à l’exploitation par le travail.

Le trafic de migrants est une activité bien organisée dans laquelle des personnes sont déplacées dans le monde en utilisant des réseaux criminels, des groupes et des itinéraires.

 e) Cinquièmement, nous avons le trafic de ressources naturelles qui inclut la contrebande de matières premières telles que diamants et métaux rares (provenant souvent de zones de conflit) et la vente de médicaments frauduleux potentiellement mortelle pour les consommateurs.

f) Sixièmement, nous avons la cybercriminalité. Elle est liée à la révolution dans le domaine des systèmes d’information et peut déstabiliser tout un pays tant sur le plan militaire, sécuritaire qu’économique. Il englobe plusieurs domaines exploitant notamment de plus en plus internet pour dérober des données privées, accéder à des comptes bancaires et obtenir frauduleusement parfois des données stratégiques pour le pays. Le numérique a transformé à peu près tous les aspects de notre vie, notamment la notion de risque et la criminalité, de sorte que l’activité criminelle est plus efficace, moins risquée et plus rentable.

g) Septièmement, nous avons le blanchiment d’argent. C’est un processus durant lequel l’argent gagné par un crime ou par un acte illégal est lavé. Il s’agit en fait de voiler l’origine de l’argent pour s’en servir après légalement. Les multiples paradis fiscaux, des sociétés de clearing (aussi Offshore) permettent de cacher l’origine de l’argent.

3 – La lutte contre les trafics et le terrorisme implique, outre une coopération internationale pour unifier le renseignement sans lequel l’action opérationnelle risque d’être inefficiente, et une nouvelle gouvernance afin de mettre fin à cette inégalité planétaire et à une minorité au niveau interne dilapidant les ressources par la corruption, enfantant la misère et donc le terrorisme. Existant des liens entre le terrorisme, la criminalité transnationale organisée et le blanchiment d’argent, pour l’Algérie, concernée par ce fléau qui menace la sécurité nationale et hypothèque le développement futur du pays, il s’agit d’anticiper et de réaliser de profondes réformes pour éviter que de telles pratiques ne se reproduisent, l’arsenal pénal étant en dernier ressort. Ayant eu à diriger en tant que directeur général des études économiques et haut magistrat comme premier conseiller à la Cour des comptes pour la présidence de l’époque, le dossier du bilan de l’industrialisation entre 1965 et 1978, du programme de l’habitat entre 1980 et 1983 en relations avec le ministère de l’Intérieur et tous les walis, nous avons constaté d’importants surcoûts par rapport aux normes internationales, ainsi que du dossier des surestaries avec le ministère du Commerce. J’avais conseillé à la présidence de l’époque d’établir un tableau de la valeur en temps réel, avec la numérisation des entreprises, du commerce, des banques, de la fiscalité, des domaines, et de la douane reliant toutes les institutions concernées aux réseaux internationaux (prix, poids, qualité), tableau qui malheureusement n’a jamais vu le jour du fait que la transparence des comptes s’attaquait à de puissants intérêts occultes. Pour l’Algérie, l’objectif stratégique est de traduire en termes concrets ses potentialités, pour être en mesure de relever avec succès les défis innombrables qui nous sont lancés par le monde moderne étant à l’aube de la quatrième révolution économique mondiale fondée sur les nouvelles technologies et les défis de la transition numérique et énergétique.

En conclusion, les profonds bouleversements géostratégiques, sociales, culturelles et économiques avec le poids des BRICS et leur élargissement lors du prochain sommet en Afrique du Sud, nous orientant vers un monde multipolaire, préfigurent une nouvelle architecture des relations internationales et donc de revoir les institutions internationales héritées de l’après-guerre car ces nouvelles  transformations rendent urgent,  la nécessité des Etats-nations à faire face à ces bouleversements. Pour l’Algérie, je suis persuadé, en fonction de son histoire mouvementée depuis des siècles et de ses potentialités actuelles, notre peuple trouvera sans nul doute les ressources morales et psychologiques qui lui permettront, comme il l’a fait maintes fois face à l’adversité, de transcender avec dignité et honneur les rancunes et les haines tenaces. L’Algérie a toujours été au carrefour des échanges en Méditerranée.

De Saint-Augustin à l’émir Abdelkader, les apports algériens à la spiritualité, à la tolérance et à la culture universelle ne peuvent que nous prédisposer à être attentifs aux fractures contemporaines. C’est pourquoi, je tiens à considérer que la stabilité de l’Algérie et la reconquête de notre cohésion nationale passe par la construction d’un front intérieur solide et durable en faveur des réformes.

Il s’agit là de l’unique voie que doivent emprunter les Algériens afin de transcender leurs différends, à vaincre la haine et les peurs qui les habitent, et à trouver les raisons de vivre harmonieusement ensemble et de construire  le destin exceptionnel que de glorieux aînés de la génération du 1er Novembre 1954 ont voulu désespérément pour eux.

  1. M.