La stratégie de l’Algérie face à la crise alimentaire qui est une menace pour la sécurité mondiale

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Cette présente contribution est le prolongement de mon intervention suite à l’invitation de la télévision internationale AL 24 News le 04 mars 2023 sur le dernier rapport de la FAO concernant les tensions alimentaires dans le monde.

1-Le rapport de la  FAO, à travers  l’indice des prix des produits alimentaires, est une mesure de la variation mensuelle des cours internationaux d’un panier de produits alimentaires composé  des cinq groupes de produits de base, pondérée selon la part respective moyenne des exportations de chacun des groupes, indice actualisé régulièrement. Pour les produits alimentaires nous avons l’évolution suivante de l’indice : 2010, indice 106,7-  2015, indice  93,0   –  2020, indice    143,7 è février 2022, indice   141,2  avec un pic  en avril 2022, indice  158,4- janvier  2023, indice   130,6   et  février 2023, indice  129,8. Pour la viande :  2010, indice  91,8-  2015, indice    96,7  –  2020 , indice    118,8  avec un pic de  125,9 en  juin 2022-2022, indice    113,9- janvier  2023, indice 112,1  –  février 2023, indice  112,0. Pour les produits laitiers : 2010, indice   111,9-    2015, indice  87,1- 2020, indice   142,4 avec un pic juin 2022, 150,2-  janvier  2023, indice  135,0 – février 2023, indice 131,3. Pour les céréales :   2010, indice 107,5- 2015, indice   95,9 – 2020, indice   154,7-  2022, indice 15,7  avec un pic en juin 2022  de 166,3- janvier  2023, indice  147,5  et    février 2023, indice   147,3.  Pour  les huiles végétales :  2010, indice   122,0  – 2015, indice  84,9-  2020, indice  187,8-  2022, indice  187,8  avec un pic en mai 2022 indice de  229,25-  janvier  2023, indice   140,4-  février 2023, indice  135,9.  Pour le sucre :  2010, indice  131,7  avec pic en 2011 de 160,9- 2015, indice   83,2  – 2020, indice  79,5- 2022, indice 114,5  -janvier  2023, indice 116,8 et   février 2023, indice 122,9.  Pour la FAO, où nous réalisons une brève synthèse du rapport,  l’indice des prix des produits alimentaires recule mais très légèrement où le repli en février 2023 s’explique par un important recul des indices des prix des huiles végétales et des produits laitiers et une faible baisse des indices des prix des céréales et de la viande, qui font plus que compenser une nette hausse de l’indice des prix du sucre.

Pour les céréales, le niveau de l’indice  de février 2023 s’explique  par les inquiétudes que suscite actuellement le temps sec dans les principales régions de production de blé dur rouge d’hiver aux États-Unis d’Amérique, la forte demande de l’Australie, et la vive concurrence entre les pays exportateurs ce qui a contribué au plafonnement de la hausse des prix, mais   également  par la dégradation des conditions en Argentine, ainsi que par des retards dans les semis de la seconde culture de maïs et un rythme d’exportation soutenu au Brésil, tandis que la faible demande à l’importation aux États-Unis d’Amérique a pesé sur les prix du maïs à l’exportation.  Ainsi, les prix internationaux du riz se sont tassés de 1,0 pour cent en février, car les activités commerciales ont ralenti dans la plupart des principaux pays exportateurs d’Asie, alors que leurs monnaies nationales se déprécient face au dollar des États-Unis. La faiblesse persistante de l’indice  des huiles végétales s’explique par le recul des prix des huiles de palme, de soja, de tournesol et de colza, où  les prix mondiaux de l’huile de soja ont continué à baisser, sous l’effet d’une diminution des achats dans les principaux pays importateurs et de la hausse de la production attendue en Amérique du Sud. En ce qui concerne l’huile de tournesol et l’huile de colza, les cours mondiaux ont poursuivi leur trajectoire descendante, tirés vers le bas par l’abondance des disponibilités exportables dans le monde. Les  prix des produits laitiers ont connu un  fléchissement en février 2023,  les reculs les plus nets étant à mettre au compte du beurre et du lait écrémé en poudre  la raison étant due à une demande mondiale faible, en particulier en ce qui concerne les livraisons à court terme,  à l’origine de cette baisse des prix, malgré l’augmentation notable des achats ces dernières semaines dans l’Asie du Nord. Pour l’indice des prix de la viande, selon le rapport de la FAO  à la différence des autres catégories de produits, la plupart des prix utilisés pour calculer l’Indice FAO des prix de la viande ne sont pas disponibles au moment où l’indice général a été calculé et c’est pourquoi la valeur de l’indice des prix de la viande concernant les mois les plus récents est obtenue en panachant des projections chiffrées et des prix avérés. Les prix  internationaux de la viande de volaille ont accusé leur huitième mois consécutif de baisse, sous l’effet d’une offre mondiale abondante et d’une demande à l’importation moins soutenue, malgré les épidémies de grippe aviaire qui sévissent dans plusieurs des principaux pays producteurs  Après avoir baissé sans interruption depuis juin 2022, les prix de la viande bovine sont restés stables, car la reprise des achats à l’importation, en particulier en Asie du Nord, a plutôt bien équilibré la demande mondiale et l’offre actuelle. Les prix internationaux de la viande ovine ont eux aussi globalement peu évolué, car la demande mondiale était suffisante pour absorber l’offre abondante en provenance d’Australie. Enfin l’indice des prix du sucre a connu un le rebond de février principalement lié à la révision à la baisse apportée aux prévisions concernant la production de sucre en Inde en 2022-2023, qui a affaibli les perspectives d’exportation avec des craintes quant à une baisse des disponibilités exportables en provenance d’Inde dans un contexte de forte demande mondiale à l’importation. Toutefois, la bonne avancée des récoltes en Thaïlande et des précipitations abondantes dans les principales régions de production du Brésil ont empêché une hausse des prix plus marquée, combiné au  fléchissement des cours internationaux du pétrole brut et des prix de l’éthanol au Brésil qui  a également contribué à limiter la pression haussière sur les prix mondiaux du sucre.

2- La dimension nutritionnelle fait partie intégrante du concept de sécurité alimentaire  quatre piliers de la sécurité alimentaire sont la disponibilité, l’accès,  l’utilisation et la stabilité, la dimension nutritionnelle faisant  partie intégrante du concept de sécurité alimentaire. Selon  un rapport de l’ ONU  du 06 juillet 2022, pour 2021 quelque 2,3 milliards de personnes (29,3 pour cent de la population mondiale) étaient en situation d’insécurité alimentaire modérée ou grave – soit 350 millions de personnes de plus qu’avant la pandémie de covid-19. Près de 924 millions de personnes (11,7 pour cent de la population mondiale) étaient confrontées à une insécurité alimentaire grave, soit une augmentation de 207 millions de personnes en deux ans   où la population était de 7,88 milliards  actuellement dépassant milliards d’habitants soit plus de 10%. Avec l’impact du réchauffement climatique toujours selon l’NU  la sécheresse  devrait frapper durement, notamment, l’Afrique  dont  le Maghreb  qui ce qui accentuera la crise alimentaire donc le processus inflationniste et les flux migratoires corrélée avec la pénurie d’eau, 2,2 milliards de personnes sur la planète n’ont pas accès à de l’eau potable à leur domicile,  avec les  risques  de crise politiques et sociales, et éventuellement des guerres  pour le partage de l’eau,  à travers tous les  continents. Les prix des denrées alimentaires, déjà en hausse depuis le second semestre 2020, ont atteint un niveau record en février 2022 en raison de la forte demande, des coûts des intrants et du transport, mais aussi des perturbations du trafic portuaire. Les prix du blé et de l’orge, par exemple, ont augmenté de 31 % dans l’ensemble du monde au cours de l’année 2021. Les prix de l’huile de colza et de l’huile de tournesol ont affiché une hausse de plus de 60 %. La forte demande et la volatilité des prix du gaz naturel ont également fait grimper les coûts des engrais. C’est ainsi que le prix de l’urée, un important engrais azoté, a plus que triplé au cours des 12 derniers mois. Et se pose l’impact du conflit entre la Russie et l’Ukraine sur la sécurité où ces deux pays assurent réalisent plus d’un tiers des exportations mondiales de céréales.  Ce sont aussi de grands fournisseurs de colza, qui d’autre part réalisent 52 % des exportations mondiales d’huile de tournesol. En effet, les perturbations subies par la production et les filières d’approvisionnement et d’acheminement des céréales et des graines oléagineuses, et les restrictions imposées aux exportations de la Russie ont  des répercussions sensibles sur la sécurité alimentaire. Cela est particulièrement le cas des pays qui dépendent des importations de blé et se procurent 30 %, voire plus, de leur blé auprès de la Russie et de l’Ukraine, bon nombre de pays se situant en Afrique, en Asie  au Proche-Orient, d’Europe et d’Asie centrale.

3-Qu’en est-il pour l’Algérie ? Au préalable, il est utile de souligner que le président de la République lors du Salon  de l’agriculture reprenant d’ailleurs l’analyse de l’APS qui concerne bon nombre de départements ministériels a dénoncé  la confusion entre régulation et restriction aveugle des importations qui paralysent  à la fois l’appareil de production et accentue le processus inflationniste, n’existant dans aucun  pays du monde une autosuffisance à 100%,  et a  mis en garde contre des chiffres erronés ayant insisté sur l’accélération de la numérisation de tous les secteurs. C’est le cas de l’élevage ovin où l’on ne dénombre pas plus de 19 millions de têtes, contrairement aux 29 millions de têtes et des surfaces agricoles  exploitées ne dépassent pas les 1.8 million d’hectares, face aux 3 millions d’hectares annoncés annuellement, idem  pour la consommation.  En Algérie, les besoins de consommation de blé tournent autour de 11/12 millions de tonnes par an, et l’Algérie a recours à l’importation pour combler le besoin en cette matière. Durant la campagne céréalières 2021/2022 (de juin à fin mai), l’Algérie a importé 10,6 millions de tonnes de céréales, contre 13,1 millions de tonnes durant la campagne 2020/2021. Selon les prévisions de l’USDA, l’Algérie produira durant la campagne 2022/2023, 3,3 millions de tonnes de blé et 1,2 million de tonnes d’orge. L’Algérie ambitionne  un rendement de 30/35 quintaux à l’hectare mais étant un pays semi -aride, ce taux  reste tributaire  des nouvelles  des techniques d’irrigation et du niveau des précipitations dans le pays. Toutefois existe un écart encore important entre l’offre et la demande  où la facture d’importation des produits alimentaires en Algérie a dépassé les 10 milliards de dollars, en 2021/2022 et qu’en sera-t-il entre 2023/2024 avec la persistance de l’inflation mondiale devant accroître la production interne pour réduire la facture d’importation ?   Des incitations ont été mises en place où  le prix d’achat est passé pour le  blé dur  de 4500 DA  à 6000 DA  le quintal , de 3500 DA à 5000 DA pour le blé tendre, de 2500 DA  à 3400 DA  pour l’orge et de 1800 DA  à 3400 DA pour  l’avoine avec un renforcement de la flotte de camions dédiée au transport des céréales, en particulier dans le Sud, 610 silos et points de stockage étant mobilisés, avec une capacité de stockage de l’ordre de 44,5 millions de quintaux.  Le Sud avec  la nappe de l’Albien étant  la plus grande nappe d’eau souterraine au monde, étant à cheval sur trois pays, l’Algérie(70%), la Libye (20%) et la Tunisie(10%),  recelant plus de 50 000 milliards de mètres cubes d’eau , l’équivalent de 50 000 fois le barrage de Beni Haroun peut permettre la dynamisation de l’agriculture saharienne. Mais l’on doit  réaliser une étude sérieuse du coût d’exploitation dans la mesure où dans le Sud, on est confronté à  de violentes tempêtes de sable, et  l’eau de cette nappe non renouvelable est  à un niveau de profondeur élevé,  saumâtre et chargée d’acide, pouvant endommager  les canalisations, nécessitant  donc  d’importants investissements et  un pompage doit être raisonnable afin de ne pas briser l’écosystème.

En conclusion, la sécurité alimentaire est le fondement de  la sécurité nationale. Face aux impacts irréversibles du réchauffement climatique et à la pression démographique mondiale, plus de 8 milliards s d’habitant depuis le 1er janvier 2023, avec  plus d’un quart  au niveau de l’Afrique entre 2030/2035, s’impose pour l’humanité la nécessaire transition énergétique  fondée sur un nouveau modèle de production alimentaire et donc  consommation alimentaire, économisant l’eau qui deviendra l’enjeu  majeur  du XXIe siècle afin d’assurer la sécurité alimentaire et par voie de conséquence la sécurité mondiale.  

A. M.