L’opérationnalité du nouveau code d’investissement implique une nouvelle gouvernance: Le nouveau code d’investissement mettra-t-il fin au terrorisme bureaucratique en libérant les énergies créatrices ?

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Photo conception L'Echo d'Algérie@

Par Abderrahmane Mebtoul, professeur des universités

Pour dynamiser l’investissement national et étranger, c’est tout l’écosystème éco-social du pays qu’il faudrait revoir, les deux piliers du développement du XXIe siècle étant la bonne gouvernance et la valorisation du savoir. C’est l’entreprise libérée des entraves bureaucratiques et un Etat régulateur qui peuvent créer une économie productive à forte valeur ajoutée, devant cerner les causes du blocage car si les investissements algériens ne trouvent pas intérêt à aller vers la production nationale, vers la création de l’emploi, faut-il s’étonner, ou encore moins, s’attendre à ce que les investisseurs étrangers, qu’il y ait la règle du 51/49 ou même l’inverse, fassent preuve de plus d’engagement ? L’attrait de l’investissement à forte valeur ajoutée ne saurait résulter de lois, mais d’une réelle volonté politique allant vers de profondes réformes, une stabilité du cadre juridique et monétaire permettant la visibilité, et les pays qui attirent le plus les IDE n’ont pas de codes d’investissement, mais une bonne gouvernance. Mon expérience et mes contacts internationaux aux plus hauts niveaux montrent : que le temps est terminé des relations personnalisées entre chefs d’État ou de ministres à ministres dans les relations internationales où dominent désormais les réseaux décentralisés ; que dans la pratique des affaires n’existent pas de sentiments, mais uniquement des intérêts, et que tout investisseur est attiré par le profit, qu’il soit américain, chinois, russe, turc ou européen. Il appartient ainsi à l’État régulateur, dont le rôle stratégique en économie de marché s’apparente à celui d’un chef d’orchestre, de concilier les coûts privés et les coûts sociaux. C’est par la méconnaissance des nouvelles règles qui régissent le commerce international que s’expliquent les nombreux litiges internationaux, avec des pertes se chiffrant en dizaines de millions de dollars.

C’est que depuis des décennies, nous avons assisté à bon nombre de codes d’investissement et des changements de l’écosystème des entreprises publiques avec un impact mitigé, montrant clairement la dominance de la démarche administrative et bureaucratique au détriment de la démarche opérationnelle économique, ces changements périodiques d’organisation démobilisent les cadres du secteur économique public, et même les investisseurs locaux et étrangers avec le renforcement de la dynamique rentière, et cela bloque tout transfert de technologique et managérial. La règle des 51/49 instaurée en 2009, dont j’avais demandé l’abrogation (voir Mebtoul- Paris Africapresse et USA American Herald Tribune www.google 2009/) a eu un impact mitigé, le nouveau code d’investissement a pris en compte ce blocage ce qui est positif. L’essentiel, ce ne sont donc pas les lois, mais de s’attaquer au fonctionnement du système afin de déterminer les blocages qui freinent l’épanouissement des entreprises créatrices de richesses, qu’elles soient publiques, privées locales ou internationales. L’investissement hors hydrocarbures en Algérie, porteur de croissance et créateur d’emplois, est victime de nombreux freins dont les principaux restent l’omniprésence du terrorisme bureaucratique qui représente à lui seul plus de 50% des freins à l’investissement. Enjeu politique majeur s’impose la réforme du système financier, pour attirer l’investisseur afin de sortir de la léthargie et de la marginalisation le secteur privé, puisque les banques publiques, qui continuent à accaparer 90% des crédits octroyés, ont carrément été saignées par les entreprises publiques du fait d’un assainissement qui, selon les données récentes (2021), a coûté au Trésor public du Premier ministère ces trente dernières années environ 250 milliards de dollars, sans compter les réévaluations répétées durant les dix dernières années de plus de 65 milliards de dollars, entraînant des recapitalisations répétées des banques malades de leurs clients. Enfin comme frein à l’investissement porteur, l’absence d’un marché foncier où la majorité des wilayas livrent des terrains à des prix exorbitants, souvent sans utilités, routes, téléphone, électricité/gaz, assainissements, etc. et l’inadaptation du marché du travail renvoyant à la réforme du système socio-éducatif et de la formation professionnelle, si l’on veut éviter des usines à fabriquer de futurs chômeurs.

Comment ne pas rappeler que l’Algérie a engrangé plus de 1100 milliards de dollars en devises entre 2000 et 2021, avec une importation de biens et services, toujours en devises, de plus de 1050 (le solde étant les réserves de change clôturé à 44 milliards de dollars au 31/12/2021), pour un taux de croissance dérisoire de 2-3% en moyenne, alors qu’il aurait dû se situer entre 9-10% durant cette période. Avec un excédent de la balance commerciale selon le Premier ministre lors de la réunion walis/ gouvernement de 17 milliards de dollars fin 2022. Le document significatif étant la balance de paiement donc devant tenir compte de l’inflation mondiale des produits importés –biens d’équipement et biens finaux et de la sortie de devises des services donnerait un montant légèrement supérieur à 50 milliards de réserves de change fin 2022. L’Algérie doit profiter de cette hausse passagère, le FMI prévoyant une crise économique mondiale en 2023, au cas où les tensions géostratégiques persistent, ce qui aurait un impact sur le prix des hydrocarbures car il faut un taux de croissance sur plusieurs années de 8/9% pour absorber le flux additionnel annuel de 350 000/400 000 emplois qui s’ajoute au taux de chômage actuel. La cohésion sociale nécessaire est assurée actuellement par des subventions généralisées sans ciblage, où selon les prévisions pour 2022, les subventions implicites, constituées, notamment de subventions aux produits énergétiques et des subventions de nature fiscale, représentent environ 80% du total des subventions, étant prévu 1 942 milliards de dinars, 19,7% du budget de l’État en 2022. C’est là un dossier très complexe, mais sans maîtrise du système d’information et la quantification de la sphère informelle, la réforme risque d’avoir des effets pervers. L’efficacité d’un code d’investissement en Algérie, doit reposer sur une vision stratégique, une nouvelle gouvernance, de profondes réformes structurelles conciliant efficacité économique et la nécessaire cohésion sociale et surtout le retour à la confiance. L’obstacle majeur de la dynamisation de l’investissement, ce sont ces longs circuits bureaucratiques où c’est le bureaucrate qui décide de la fiabilité du projet lieu du véritable investisseur renforçant la corruption rendant urgente une réelle décentralisation pour dynamiser l’investissement et redonner confiance au citoyen (voir notre contribution quotidien El Moudjahid du 24 septembre 2022-Réunion walis-gouvernement : des collectivités locales pilotées par des walis managers Il existe une loi universelle insensible aux slogans politiques : dans tout pays, l’appréciation d’une monnaie et indirectement le pouvoir d’achat des citoyens est avant tout fonction du niveau de la production et de la productivité interne, une croissance supérieure à la pression démographique, et non d’une rente éphémère donnant une cotation artificielle à court terme. Le compromis des années 2022/2030 devra concilier l’impératif de productivité et la cohérence sociale, les principes d’une société ouverte et le devoir de solidarité, en un mot l’efficacité et l’équité, les politiques parleront de justice sociale qui ne saurait signifier égalitarisme vision populiste suicidaire. L’Algérie, pays à fortes potentialités, acteur stratégique de la stabilité de la région méditerranéenne et africaine, peut surmonter les difficultés actuelles, par des stratégies d’adaptation, crise qui touche la majorité des pays où l’on devrait assister à une nouvelle reconfiguration mondiale entre 2022/2030.

La mission de la Cour des comptes doit être la prévention pour une meilleure gestion des deniers publics et non la coercition

La Cour des comptes est régie par l’ordonnance du 17 juillet 1995, modifiée et complétée par l’ordonnance du 26 août 2010 ayant été consacrée dans la nouvelle Constitution, parue au Journal officiel du 30 décembre 2020, portant révision constitutionnelle. Selon l’APS du 27 septembre 2022 , un projet de jumelage pour le renforcement des capacités institutionnelles et professionnelles de la Cour des comptes, notamment en matière de certification des comptes de l’Etat, a été lancé mardi à Alger, et ce, dans le cadre du partenariat entre l’Algérie et l’Union européenne (UE). Rappelons que le président de la République, en novembre 2021, avait annoncé au quotidien allemand Der Spiegel un plan de réorganisation de la Cour des comptes, afin de favoriser le système de contrôle et de suivi des finances publiques conformément aux dispositions de la nouvelle Constitution, qui a élargi ses prérogatives. L’on ne doit pas se focaliser uniquement sur quelques cas qui gangrènent la société, tant civile que militaire, car, reconnaissons-le, la majorité, tant au niveau de l’ANP que des forces de sécurité, des ministres, des managers du secteur d’Etat et du secteur privé vivent de leur travail. Pour combattre ce cancer de corruption qui menace la sécurité nationale, l’on doit à l’avenir, s’attaquer à l’essence de ce mal.

Je ne saurai insister que le véritable contrôle implique la démocratisation de la société et l’implication des citoyens tenant compte de notre anthropologie culturelle, devant éviter de plaquer des schémas sociaux importés. L’efficacité de la Cour des comptes et d’une manière générale toutes les institutions de contrôle, y compris celles des services de sécurité, est fonction d’une gouvernance globale rénovée afin de lutter contre la mauvaise gestion interne, contre les surfacturations et les transferts illégaux de capitaux. Concernant les responsabilités, il y a lieu de tenir compte que l’Algérie est toujours en transition : ni économie de marché, ni économie planifiée. C’est cette interminable transition qui explique les difficultés de régulation, posant d’ailleurs la problématique de la responsabilité du manager de l’entreprise publique en cas d’interférences du politique où la loi sur l’autonomie des entreprises publiques n’a jamais été appliquée. Dans ce cas, la responsabilité n’est-elle pas collective, les managers prenant de moins en moins d’initiatives et devant donc dépénaliser l’acte de gestion. Le fondement de tout processus de développement, comme l’ont démontré tous les prix Nobel de sciences économiques, repose sur des institutions crédibles, et c’est une loi universelle. Car, force est de reconnaître qu’en cette fin septembre 2022, Sonatrach, avec l’APN et les services de sécurité constituent la colonne vertébrale de la Nation, Sonatrach procurant plus de 97/98% des recettes en devises avec les dérivés inclus dans la rubrique hors hydrocarbures représentant en 2021 plus de 65%. L’économie algérienne est toujours de nature publique avec une gestion administrée centralisée renvoyant à l’urgence d’une véritable décentralisation, afin à la fois de favoriser le développement et redonner confiance aux citoyens, pour une société plus participative expliquant les dernières orientations du président de la République lors de la réunion walis-gouvernement. C’est que le manque de transparence des comptes ne date pas d’aujourd’hui, mais depuis l’indépendance à ce jour.

 J’ai eu à le constater par des enquêtes sur le terrain, loin des bureaux climatisés des bureaucrates, concrètement lors des audits dont les résolutions ont été soit non appliquées ou très partiellement car s’attaquent à de puissants intérêts, durant ma longue carrière au service de l’Etat, que j’ai eu à diriger, assisté de nombreux experts : l’audit sur Sonatrach entre 1974 et 1976, le bilan de l’industrialisation 1977-1978, le premier audit pour le comité central du FLN sur le secteur privé entre 1979 et 1980, trois audits entre 1982/1983 en relation avec la présidence de l’époque au moment où j’étais haut magistrat premier conseiller et directeur général des études économiques à la Cour des comptes entre 1980/1983, le ministère de l’Intérieur, les 31 walis et le ministère de l’Habitat sur l’efficacité des programmes de construction de logements et d’infrastructures, sur les surestaries au niveau des ports et les programmes de développement des wilayas, l’audit sur l’emploi et les salaires pour le compte de la présidence de la République (2008), l’audit, assisté des cadres de Sonatrach, d’experts indépendants et du bureau d’études Ernst &-Young,

«le prix des carburants et la politiques des subventions des produits énergétiques dont j’ai présenté personnellement les axes devant les députés (APN) de l’époque,(ministère de l’Énergie, 8 volumes, 780 pages-Alger 2008), l’audit «Pétrole et gaz de schiste, opportunités et risques et les axes de la transition énergétique en 2015». Concernant Sonatrach et les différents audits que j’ai eu à diriger avec des experts, assisté des cadres du ministère de l’Énergie et de Sonatrach, il nous a été difficile de cerner avec exactitude la structure des coûts, tant du baril de pétrole que du MBTU du gaz arrivé aux ports, faute de comptabilités analytiques précises surtout de comptes physico-financiers par sections car Sonatrach additionne des prix administrés au niveau interne et des prix de marché au niveau international à travers les comptes de transfert, donnant des comptes consolidés qui ne permettent pas d’analyser la réelle efficience de chaque unité. Le défi de l’Algérie est d’asseoir la transition d’une économie de rente avec la dominance d’une économie informelle spéculative à une économie de production de biens et services basée sur la bonne gouvernance et la connaissance en s’adaptant, au mieux de ses intérêts au nouveau monde qui devrait connaître un profond bouleversement géostratégique 2022/2030 marqué par la transition énergétique et numérique. Devant s’attaquer à l’essence, le grand problème est la moralisation, un phénomène analysé avec minutie par le grand sociologue maghrébin Ibn Khaldoun, dès le XIVe siècle, qui a montré que l’immoralité des dirigeants et des citoyens, avec comme impact la corruption gangrenant toute la société, a pour effet la décadence de toute société. Reconnu par l’ensemble de la communauté internationale, acteur stratégique de la région méditerranéenne et africaine, possédant toutes les potentialités, surtout une jeunesse dynamique, espérons pour l’Algérie un sursaut national pour un avenir meilleur grâce à un large front national anti crise que j’ai préconisée lors d’une conférence devant les membres du gouvernement et les cadres de la Nation fin novembre 2012 au Club des Pins à Alger , mais avons-nous été écoutés, en tolérant toutes les sensibilités.

A. M.