Lutte contre le cancer bureaucratique pour la relance des projets en souffrance: Nécessité d’une planification stratégique

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Le président de la République, lors de plusieurs Conseils de ministres, a ordonné aux responsables d’améliorer  la gestion, de lutter contre la corruption, à ne pas confondre  avec acte de gestion, devant dépasser l’acte de gestion  et donnent plus d’autonomie  afin de libérer les initiatives  des managers, et d’éviter de faire des déclarations déconnectés des réalités, la presse et les experts ayant une lourde responsabilité afin de vérifier si les promesses se concrétisent sur le terrain, car  existe un lien dialectique entre sécurité et développement.

 Évitons tant le dénigrement gratuit, tout ce qui a été fait depuis l’indépendance politique n’est pas négatif, beaucoup de réalisations, mais beaucoup d’insuffisances, mais également l’autosatisfaction avec des promesses sans lendemain, source de névrose collective : la vérité, rien que seulement la vérité afin de corriger nos erreurs. L’on ne doit pas se focaliser sur quelques cas qui gangrènent la société, tant civile que militaire, car,  la majorité, tant au niveau de l’ANP que des forces de sécurité et de la société civile, vit de son travail devant s’attaquer à l’essence de ce mal, la corruption et la mauvaise gestion  qui menacent la sécurité nationale.

1- Gouverner, c’est prévoir à moyen et long terme au moyen d’une planification stratégique loin des actions conjoncturelles, les militaires différenciant très justement la stratégie des tactiques qui doivent s’insérer au sein de la fonction stratégique, s’imposent pour l’Algérie des stratégies d’adaptation, devant tenir compte des coûts additionnels pour protéger l’environnement de grands projets promis au démarrage dont certains  datent de plus de 20 ans et d’autres plus de 40 ans. Citons quelques exemples de grands projets structurants qui accusent  d’importants retards, une lettre d’intention n’étant pas un contrat définitif  examinés au niveau de plusieurs Conseil des ministres entre 2021/2022 : le projet pétrochimique, d’Arzew, abandonné par Total et récemment attribué à Petrofac HQC pour un coût 1,5 milliard de dollars, avec un retard de 5 années, la mise en exploitation étant prévue dans 42 mois soit fin 2027; le projet du gazoduc Nigeria-Algérie toujours en gestation, devant avoir l’accord de l’Europe principal client qui ne s’est pas encore prononcé évalué par l’Union européenne et qui selon nos informations n’est pas la  priorité, axant la stratégie sur les énergies renouvelables  de l’hydrogène vert  dont  le coût  est estimé par l’UE à environ 20 milliards de dollars en 2020 contre10 en 2012, étant plus rentable que celui passant par le Maroc plus de 30 milliards de dollars sans compter les délais de réalisation supérieur de 5 ans; le projet Galsi, via la Sardaigne abandonné par l’Italie en 2012 où le coût à cette date pour 8 milliards de mètres cubes gazeux était de plus de 3 milliards de dollars (tracé complexe) dont le coût de réalisation a certainement augmenté; l’exploitation du fer de Gara Djebilet devant ramener le taux d’oxydation de 0,8% à moins de 0,1% et d’importants infrastructures pour sa commercialisation où le 9 mai 2022, le ministre des Mines (source APS), annonce officiellement que la réalisation du projet de Gara Djebilet, nécessitera la réalisation de plusieurs installations, aurait un coût variant entre 1 et 1,5 milliard de dollars par an sur une période allant de 8 à 10 ans, soit entre 10 et 15 milliards de dollars;  les projets de réalisation de 2 usines d’engrais phosphatés à Skikda et Tébessa, pour un investissement de 6 Mds US, toujours en négociation avec la Chine pour le financement; le projet de zinc, et de plomb d’Amizour, qui vient seulement d’être réactivé en mai 2023, sans préciser le coût de réalisation, d’un potentiel minier exploitable estimé à 34 millions de tonnes pour une production annuelle de 170 000 tonnes de concentré de zinc, devrait entrer en production en 2026 ; -le port de Cherchell d’un coût estimé entre 4 et 5 milliards de dollars, l’Algérie n’étant même pas classée au niveau international parmi les 200 ports les plus performants dans le monde dans le dernier rapport international 2023;  où en sont les unités de bon nombre d’opérateurs privés actuellement en prison et les impacts de ces dizaines de délivrances de permis d’exploitation, et de la rentabilité pour la production d’or. dont les réserves, en volume,  n’ont pas changé d’un iota depuis 2007 (173 tonnes); où en sont les projets  d’usine de voitures dont on devra été attentif au coût et au prix de vente avec la détérioration du pouvoir d’achat des couches moyennes principaux acheteurs, où après l’annonce  de la production de Fiat,   en mars 2023, puis septembre 2023, on nous annonce un nouveau report  pour mars 2024;  quel est le bilan de la politique des subventions  ciblées, la consommation intérieure de pétrole et de gaz étant en 2022 presque l’équivalent des exportations (42% en 2022 avec un accroissement de plus de 60% entre 2010/2022 ) et concernant la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique quiest en 2022 d’environ  de 440 MW soit  entre 1/ 2% de la consommation totale,  les extrapolations du ministère de l’Energie, visant une puissance installée d’origine renouvelable de 22 000 MW  horizon 2030  dont 40% pour couvrir la consommation intérieure  et une partie exportable à partir des énergies renouvelables et de  l’hydrogène vert,  alors qu’en 2022, la production et la consommation d’énergie, y compris dans le secteur de l’électricité sont tirées des hydrocarbures à  98/99 % sera-t-il atteint  et quel sera la part respective des filières photovoltaïques, éoliennes en intégrant la biomasse, la cogénération, la géothermie et  le solaire thermique et surtout le besoin de financement ;   concernant l’emploi  nécessitant un taux de croissance  de 8/9% en termes réels (le FMI  prévoyant pour l’Algérie en 2023, une croissance de  2,6% tirée par la dépense publique )  pour absorber le flux additionnel annuel entre 350 000/400 000  par an qui s’ajoute au taux de chômage actuel,  quel est le bilan de l’allocation chômage dont les inscrits, selon le ministre du Travail avoisine les 2 millions sur une population active d’environ 12,5 millions dans le recyclage au monde du travail collant avec l’environnement renvoyant d’ailleurs à la refonte de toute l’Ecole depuis le primaire à l’Université afin d’éviter des diplômés chômeurs. Il faut être réaliste : sous réserve de la levée du verrou bureaucratique, de mobiliser le financement et pour certains projets de trouver un bon partenaire étranger, la rentabilité d’un projet mis en exploitation en 2023 nécessitera deux à trois années pour les PMI/PME et 5/7 ans pour les grands projets et chaque année de retard repousse les délais avec des surcoûts, où en économie le temps ne se rattrape jamais. Avant tout lancement d’un projet s’impose une étude de rentabilité précise, afin d’être concurrentiel au niveau international, devant privilégier pour les avantages financiers et fiscaux la balance devises et pour pouvoir exporter, il faut d’abord produire à un coût compétitif.

2 – Il faut donc éviter  de revenir faute de vision stratégique  aux pratiques du passé, dénoncées par la président de la République, exigeant un langage réaliste et des réalisations effectives sur le terrain loin  des promesses difficilement réalisables. Je  ne saurai trop insister sur le fait que la relance économique doit avant tout se fonder sur un État de droit, avec l’implication des citoyens à travers une réelle société civile, une véritable opposition sur le plan politique, une indépendance de la justice, tout cela accompagné par une cohérence et une visibilité dans la démarche de la politique socioéconomique et donc  un renouveau de la gouvernance au niveau global et local afin de délimiter clairement les responsabilités. Le fondement de tout processus de développement, comme l’ont démontré tous les prix Nobel de sciences économiques, repose sur des institutions crédibles, et c’est une loi universelle, d’où l’importance de dynamiser par une réelle indépendance le Conseil national de l’énergie, la Cour des comptes, le Conseil économique et social, la Bourse d’Alger et le Conseil de la concurrence. L’Algérie connaît la stabilité grâce aux efforts de l’ANP et des forces de sécurité, mais force est de reconnaître, existant un lien dialectique entre développement et sécurité, qu’ en ce mois de fin mai 2023, Sonatrach c’est l’Algérie et l’Algérie c’est Sonatrach (plus de 97/98% des recettes en devises avec les dérivés inclus dans la rubrique hors hydrocarbures pour plus de 60% ). L’économie algérienne est  de nature publique avec une gestion administrée  renvoyant à l’urgence de libérer les initiative individuelles et collectives par la lutte contre le cancer bureaucratique et  une véritable décentralisation  qui peut être favorisée par  l’accélération de la numérisation, autour de six à sept grands pôles économiques régionaux, impliquant tous les acteurs économiques  politiques  et sociaux  afin de favoriser la symbiose Etat-citoyens. C’est que le manque de transparence des comptes ne date pas d’aujourd’hui. J’ai eu à le constater concrètement lors des audits que j’ai eu à diriger, assisté de nombreux experts : sur Sonatrach entre 1974 et 1976, le bilan de l’industrialisation 1977-1978, le premier audit pour le comité central du FLN sur le secteur privé entre 1979 et 1980, l’audit sur les surestaries et les surcoûts au niveau du BTPH en relation avec le ministère de l’Intérieur, les 31 walis et le ministère de l’Habitat de l’époque 1982 réalisé au sein de la Cour des comptes, l’audit sur l’emploi et les salaires pour le compte de la présidence de la République (2008), l’audit, assisté des cadres de Sonatrach, d’experts indépendants et du bureau d’études Ernst &-Young, «le prix des carburants dans un cadre concurrentiel «Ministère Énergie, 8 volumes, 780 pages-Alger 2008», l’audit «Pétrole et gaz de schiste, opportunités et risques» Concernant Sonatrach et les différents audits que j’ai eu à diriger avec des experts, assisté des cadres du secteur ministère de l’Énergie et Sonatrach, il nous a été difficile  de cerner avec exactitude la structure des coûts de Hassi R’mel et de Hassi Messaoud, tant du baril de pétrole que du MBTU du gaz arrivé aux ports, la consolidation et les comptes de transfert de Sonatrach faussant la visibilité, ayant été contraint par des  tests de cohérence et l’élaboration de comptes physico-financiers de contourner les difficultés afin de cerner avec exactitude les coûts. Sans une information interne fiable, tout contrôle externe est difficile, et dans ce cas la mission de la Cour des comptes ou de tout autre institution de contrôle, serait biaisée. Dans les administrations, disons que c’est presque impossible, du fait que leurs méthodes de gestion relèvent de méthodes du début des années 1970, ignorant les principes élémentaires de la rationalisation des choix budgétaires. C’est que l’Algérie possède des institutions qu’il s’agit de dynamiser afin de favoriser  un développement durable. Ayant eu l’occasion de visiter ces structures au niveau international en tant que haut  magistrat Premier conseiller et directeur général des études économiques entre 1980/1983, et de diriger en Algérie (pendant la présidence  le défunt Dr Amir, ex-secrétaire général de la présidence de la République) trois importants audits sur l’efficacité des programmes de construction de logements et d’infrastructures de l’époque, sur les surestaries au niveau des ports et les programmes de développement des wilayas, en relation avec le ministère de l’Intérieur et celui de l’Habitat, assisté de tous les walis de l’époque. Si l’on veut lutter contre les surfacturations et  les transferts illégaux de capitaux, il y a urgence de revoir le système d’information qui biaisé  fausse  la transparence des comptes, devant s’attaquer à l’essence, la bureaucratie qui étouffe les énergies créatrices favorisant les pratiques occultes,  un phénomène analysé avec minutie par le grand sociologue maghrébin Ibn Khaldoun, dès le XIVe siècle qui a montré que l’immoralité conduit à  la décadence de toute société.

En conclusion, la puissance d’un pays dans les relations internationales reposant avant tout sur l’économie, la Chine nous donnant l’exemple, le défi à relever est la transition d’une économie de rente avec la dominance d’une économie informelle spéculative à une économie de production de biens et services basée sur la bonne gouvernance et la connaissance. L’Algérie, en s’adaptant  au mieux de ses  intérêts  au nouveau monde, pays à fortes potentialités, possédant des marges  de avec des indicateurs financiers positifs, plus de 62 milliards de dollars de réserves de change fin février  2023, un endettement extérieur très faible 2,9 milliards de dollars fin 2022, des recettes de Sonatrach extrapolées  sur la base d’un cours moyens du baril de pétrole de 75 dollars et 12/13 dollars le MBTU de gaz environ 50 milliards de dollars pour 2023, peut devenir un pays pivot au sein des espaces méditerranéens et africains. Mais cela suppose de profondes réformes structurelles, plus de libertés, de transparence et de réhabiliter les vertus du travail. 

  1. M.