Pour le développement national et face aux nouvelles mutations géostratégiques: Quel rôle pour l’intellectuel et le journaliste en Algérie dans la nouvelle gouvernance ?

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Célébrée le 3 mai de chaque année, la journée, l’UNESCO a organisé un événement anniversaire spécial au siège des Nations unies à New York, marquant les 30 ans depuis la décision de l’Assemblée générale des Nations unies proclamant une journée internationale de la liberté de la presse. sous le titre :

«Façonner un avenir des droits : la liberté d’expression; clé de voûte des droits humains.» A cette occasion, l’Algérie étant confrontée aujourd’hui à plusieurs défis, tant pour la préservation de sa sécurité et sa stabilité dans un environnement marqué par les tensions que pour le parachèvement de son processus rénové sur la voie de la construction et de l’édification économique, sociale, culturelle et politique, devant transmettre des messages vérités, rien que la vérité, loin de tout dénigrement mais également  de toute autosatisfaction, loin des réalités, source de névrose  collective.

1- Le mot intellectuel provient du mot latin intellectus, de intellegere, dans le sens d’établir des liaisons logiques, des connexions entre les choses. La fonction de l’intellectuel n’est pas à proprement parler récente car à l’époque de la Grèce antique des leaders charismatiques, qui font l’intellectuel, se retrouvent dès la première étape du mouvement social, comme Gorgias ou Protagoras, ont marqué leur époque par une démarche passionnelle de l’esprit, le contrepoids des actes réels. L’intellectuel et le journaliste ne sauraient vivre en vase clos. La méthodologie pour produire est simple : pour paraphraser le grand philosophe allemand Hegel, méthodologie reprise par Karl Marx dans Le Capital, il observe d’abord le concret réel, ensuite il fait des abstractions, les scientifiques diront des hypothèses.

Il aboutit à un concret abstrait c’est-à-dire son œuvre. Si le résultat final permet de comprendre le fonctionnement du concret réel à partir du canevas théorique élaboré, les abstractions sont bonnes. C’est aussi la méthodologie utilisée en sciences politiques pour déterminer le niveau de gouvernance dite des 80/20%.

En effet, 20% d’actions bien ciblées ont un impact sur 80% de la société, mais 80% d’actions désordonnées que l’on voile par de l’activisme ministériel n’ont un impact que sur 20%. Aussi l’intellectuel se pose entre la réalité et le devenir de l’humain devant tenir compte de la complexité de la société toujours en mouvement d’où l’importance de la multi pluridisciplinarité et donc du mouvement de l’histoire. L’intellectuel et le journaliste produisent ainsi de la culture qui n’est pas figée, mais évolutive, fortement marquée par l’ouverture de la société sur l’environnement englobant l’ensemble des valeurs, des mythes, des rites et des signes partagés par la majorité du corps social et est un constituant essentiel de la culture d’une manière générale, de la culture d’entreprise, du transfert technologique d’une manière particulière et tenant compte du rôle d’ Internet et des nouvelles technologies, où le monde est devenu une maison de verre, en vue de l’adaptation de la diffusion des connaissances. Cette approche socioculturelle qui rend compte de la complexité de nos sociétés doit beaucoup aux importants travaux sous l’angle de l’approche de l’anthropologie économique de l’économiste indien prix Nobel Amartya Sen où d’ailleurs selon cet auteur, il ne peut y avoir de développement durable sans l’instauration d’un Etat de droit et de la démocratie tenant compte de l’anthropologie culturelle de chaque société, qui permet à la fois la tolérance, la confrontation des idées contradictoires utiles et donc l’épanouissement des énergies créatrices. Cela renvoie au concept de rationalité, (voir les importants travaux du grand philosophe allemand Kant) qui est relative et historiquement datée comme l’ont montré les importants travaux de Malinowski sur les tribus d’Australie. Car, il s’agit de ne pas plaquer des schémas importés sur certaines structures sociales figées où il y a risque d’avoir un rejet (comme une greffe sur un corps humain) du fait que l’enseignement universel que l’on peut retirer de l’Occident- est qu’il n’existe pas de modèle universel.

2- Ainsi, l’intellectuel ne saurait s’assimiler uniquement aux diplômes, mais avec son niveau culturel. Et c’est cela qui fait que les journalistes peuvent parfois jouer le rôle des intellectuels autrefois réservé aux scientifiques surtout dans une société hypermédiatisée.

En fait, il s’agit de toute personne (femme ou homme) qui, du fait de sa position sociale, dispose d’une forme d’autorité et la met à profit pour persuader, proposer, débattre, permettre à l’esprit critique de s’émanciper des représentations sociales. L’intellectuel et le journaliste doivent douter constamment et se remettre toujours en question, selon la devise que le plus grand ignorant est celui qui prétend tout savoir. L’histoire du cycle des civilisations, prospérité ou déclin, est intimement liée à la considération du savoir au sens large du terme et qu’une société sans intellectuels et journalistes est comme un corps sans âme. Je pense fermement que la seule façon de se maintenir au temps d’une économie qui change continuellement, et donc d’une action positive de l’intellectuel et du journaliste, c’est d’avoir une relation avec l’environnement national et international, c’est-à-dire mettre en place progressivement les mécanismes véritablement démocratiques qui ont un impact sur l’accumulation des connaissances internes. Le rôle de l’intellectuel et du journaliste n’est pas de produire des louanges par la soumission contre-productive pour le pouvoir lui-même en contrepartie d’une distribution de la rente, mais d’émettre des idées constructives, selon sa propre vision tenant compte de la réalité.  

À l’ère d’Internet, le monde est devenu une maison en verre où le monde de l’audiovisuel et de la communication connaît un bouleversement sans précédent. En ce monde mondialisé super-médiatisé, je ne puis séparer le rôle de l’intellectuel, non l’intellectuel organique aux ordres et celui du journaliste. Je considère que le rôle de l’intellectuel, du journaliste et d’un cadre de la nation y compris les ministres, est d’éviter tant la sinistrose, le dénigrement gratuit que l’autosatisfaction source de névrose collective. Le débat contradictoire productif, le dialogue serein et la symbiose Etat/citoyens, sont, me semble-t-il, la condition sine qua non, pour établir tant un bilan objectif afin de corriger les erreurs que de tracer les perspectives futures du pays. Il s’agit   de   mettre  fin au mythe que c’est la possession d’importantes fortunes qui fait la valeur d’une personne,  lorsque des responsables au plus haut niveau de l’Etat, Premier ministre, ministres et walis recevront au perron de leurs bureaux avec un tapis rouge, les véritables entrepreneurs créateurs de richesses, des  journalistes, professeurs  et   chercheurs de renom, on pourra alors dire que l’Algérie aura changé de gouvernance.  Combien de compétences avérées, formées par l’Algérie, ayant privilégié  les relations de clientèles, au lieu des compétences, se sont expatriées constituant une fuite de capitaux indirects se chiffrant en milliards de dollars, montrant qu’ il reste un long parcours pour intégrer l’économie de la connaissance.

En conclusion, la bataille de la relance économique de l’Algérie et sa place dans la compétition mondiale se remportera grâce à la bonne gouvernance et  par  notre capacité à innover,  le monde avec les nouvelles tensions géostratégiques,   s’orientant vers la multipolarité,  étant   à l’aube de la quatrième révolution technologique mondiale, avec le développement de l’intelligence artificielle, la transition numérique et énergétique qui préfigurent un bouleversement mondial sans précédent, où l’intellectuel et le journaliste auront un rôle déterminant à jouer. Concilier l’efficacité économique et une profonde justice sociale dans le cadre d’une économie ouverte, par la maîtrise du savoir, constitue le défi principal de l’Algérie. Aussi, le passage de l’État de «soutien contre la rente» à l’Etat de droit «basé sur le travail et l’intelligence» est un pari politique majeur car il implique tout simplement un nouveau contrat social et un nouveau contrat politique entre la Nation et l’Etat. Aussi, l’Algérie a besoin d’un regard lucide sur sa situation afin de tracer les perspectives d’avenir sur une base objective, loin des intérêts rentiers nuisibles au devenir du pays. Cela passe par l’urgence d’une gouvernance rénovée et la réhabilitation du rôle du journaliste et de l’intellectuel dans la société.

A. M.